C'est un panneau installé il y a à peine dix jours qui a mis le feu aux poudres. Il signe la condamnation à la démolition d'un des derniers vestiges du patrimoine industriel de la ville. Celle de l'ancienne propriété Lacaux Frères, comprenant notamment un magnifique logement patronal du XIX e siècle (voir ci-dessous). De la rue de Châteauroux, on ne voit que les ateliers de ce qui fut une distillerie, puis une usine de papeterie avant de devenir une cartonnerie. Si l'intérêt historique du site porté à l'inventaire général en 2003 ne fait aucun doute pour les amoureux du patrimoine (voir ci-contre), les habitants de la rue nourrissent d'autres griefs.
Installés depuis 1991 au n° 10, juste en face de la future construction, Anne et Patrick Loiseleux s'interrogent. « Rénover le quartier c'est très bien mais est-ce qu'il ne va pas y avoir des dégâts collatéraux ? Et puis, nous sommes en zone protégée ce qui nous a imposé un certain nombre de contraintes pour la rénovation de notre façade et le choix de nos volets – en bois ! » Ils ne sont pas les seuls à dénoncer ce qu'ils vivent comme une injustice. Un peu plus haut, Bertrand Mounier vient à peine d'achever la restauration d'un ensemble immobilier destiné à la location. Choix du crépi, des matériaux et des couleurs, il a dû lui aussi se plier aux "préconisations"…
Hauteur de l'immeuble. « C'est un projet énorme qui ne rentre pas dans le style des maisons de la rue, déplorent de concert Valérie Da Silva et Francis Lambert. En plus, les riverains n'ont pas été concertés… Notre préoccupation principale est la hauteur de l'immeuble. La nuisance est véritable : une partie de la rue ne verra plus le soleil. Sans parler du stationnement qui est déjà un problème dans le quartier ! »
Tous dénoncent « les incohérences » et avouent ne pas comprendre « l'attribution d'un permis de construire dans ces conditions ». Ils ne comptent pas en rester là et envisagent un recours auprès du tribunal administratif.
« Limoges n'est pas digne de son label »
Président de l'association Renaissance du Vieux Limoges (RVL)
D'abord, au vu du permis de construire, on a violé la loi ! La hauteur d'héberge ne serait pas respectée. Surtout on veut démolir une maison et un mur protégé par la ZPPAUP (*) et ce, contre l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France. Ce dernier a fait un recours en préfecture, mais comme au bout d'un mois, elle ne s'était pas prononcée… d'autres se sont assis dessus ! C'est bien trop grave. Là, RVL va tout droit en justice. Et puis, Limoges n'est pas digne de son label Art et Histoire. C'est une déclaration de guerre contre le patrimoine et la légalité. Cette fois, je vais alerter le ministère de la Culture et leur dire que la mairie se fout du patrimoine.
(*) La Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager de Limoges est une servitude d'utilité publique annexée au Plan local d'urbanisme.
Maryline Rogerie
maryline.rogerie@centrefrance.com