Le Petit Lemovice

Article sur alain rodet dans l'Express

C'est sans concession  ...je vous laisse seul juge !

 

Lien vers le reportage de l'Express :

 

http://www.lexpress.fr/region/limoges-ou-les-limites-du-tout-socialisme_1493724.html

 

 

 

Alain Rodet

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Alain Rodet
Alain Rodet s'exprimant lors du meeting de François Hollande au Zénith de Limoges, le 27 avril 2012.
Alain Rodet s'exprimant lors du meeting de François Hollande au Zénith de Limoges, le 27 avril 2012.
Fonctions
Député de la 4e circonscription de la Haute-Vienne
 
Député de la 1re circonscription de la Haute-Vienne
En fonction depuis le
Prédécesseur Monique Boulestin
(indirectement)
Maire de Limoges
En fonction depuis le
Prédécesseur Louis Longequeue
Biographie
Nom de naissance Alain Rodet
Date de naissance (69 ans)
Lieu de naissance Dieulefit, France
Nationalité Française
Parti politique Parti socialiste
Diplômé de IEP de Grenoble
IEP de Paris[1]
Profession Économiste
Meeting de Ségolène Royal au zénith de Limoges le 29 mars 2007, avec de gauche à droite François Hollande, Alain Rodet, Jean-Paul Denanot, Marie-Françoise Pérol-Dumont et Ségolène Royal

Alain Rodet, né le à Dieulefit (Drôme), est un homme politique français. Il est élu député dans la quatrième circonscription de la Haute-Vienne depuis 1981. Membre du Parti socialiste depuis 1971[1], il fait partie du groupe SRC à l'Assemblée nationale, et est aussi maire de Limoges depuis 1990 et président de la communauté d'agglomération Limoges Métropole depuis 2002.

 

Biographie

Né à Dieulefit, dans la Drôme, Alain Rodet suit ses études à l'IEP de Grenoble, puis à Sciences Po Paris, où il est militant à l'Unef puis à la Convention des institutions républicaines de François Mitterrand. Arrivé à Limoges à la fin des années 1960, il enseigne l'économie à l'IUT de la toute nouvelle Université de Limoges. Dans le même temps, il travaille dans plusieurs organismes liés à la DATAR, et réalise pour divers journaux des reportages économiques à l'étranger[2]. Admirateur de Pierre Mendès France et de François Mitterrand, il adhère au PS après le Congrès d'Épinay de 1971[1].

Alain Rodet est élu au conseil municipal de Limoges pour la première fois en 1971. Dès 1974, il est chef de cabinet d'André Chandernagor, président du premier Conseil régional du Limousin[2], et devient adjoint au maire de Limoges Louis Longequeue en 1977, un an après son élection au conseil général de la Haute-Vienne, représentant du canton de Limoges-Cité[2].

Élu pour la première fois député de la Haute-Vienne en 1981, succédant à la communiste Hélène Constans, il a depuis été réélu à chaque élection, étant d'ailleurs le seul député socialiste après la vague bleue successive aux élections législatives de 1993.

Il accède au poste de premier adjoint en 1989[1]. À la mort du maire, en août 1990, il le remplace, poste auquel il est élu pour la première fois en 1995, puis réélu en 2001, à chaque fois au premier tour. Durant son premier mandat, l'espoir est immense de voir la capitale du Limousin sortir d'une léthargie de cinquante ans. Pendant les années 1990, Limoges est reconnue à l'extérieur pour ses fêtes, ses concerts, sa vie nocturne, son basket. Le centre ville s'embellit...

Il annonce en septembre 2007 sa nouvelle candidature aux élections municipales de 2008 à la mairie de Limoges. Il conduit une liste d'union de la gauche (PS - ADS - MRC - PCF - PRG - Limoges Ecologie) nommée Notre ville, c'est notre vie. Il est réélu maire de Limoges dès le 1er tour le avec 56,45 % des suffrages exprimés.

Interrogé à ce sujet par Le Populaire du Centre, le 16 janvier 2012, il laisse entendre qu'il envisage de se représenter, pour la quatrième fois consécutive, aux élections municipales de 2014[3]. En juin 2012, il est candidat à sa propre succession, pour les élections législatives dans la 1ère circonscription de la Haute-Vienne, et est à cette occasion largement réélu au second tour, réunissant 69 % des suffrages face à la candidate de l'UMP.

Mandats 

Il est :

Le , le quotidien Le Monde et le site internet Le Post publient un classement des députés français selon leur tendance au cumul des mandats. L'élaboration de ce classement a été réalisée à partir de « points de cumul » comptés selon l'importance des postes occupés et de la collectivité à laquelle ils se rattachent, ainsi que du budget théorique de chacune des collectivités dirigées. Alain Rodet arrive ainsi 7e sur 577[4].

Interrogé sur la question du cumul, le dans l'émission Le député du jour, sur La Chaîne parlementaire, il répond : « [La France est] un pays qui a mille ans de centralisation derrière lui, où les réflexes sont encore très orientés par rapport à Paris. Après tout, je suis tout à fait d'accord pour qu'on arrête le cumul, mais dans ces conditions-là on n'a pas besoin de 577 députés, de 340 sénateurs et de quelques représentants européens. On prend le système américain [...], il faut diminuer le nombre de parlementaires et probablement de collectivités locales [...] Un député « hors sol » est un député qui passe à côté de tous les sujets (...) Je crois que le fait de cumuler une fonction représentative et une fonction exécutive, ça vous permet à la fois de faire un geste d'humilité mais aussi de voir si les choses vraiment changent ou pas. »[5]

Conseil municipal 

Sous sa municipalité, la ville s'est dotée d'infrastructures déjà en projets dans les années 1980 sous Louis Longequeue (Ester Technopole, BFM). Il a ensuite fait le choix d'insister sur des domaines tels la culture (Zénith de Limoges, musée des Beaux Arts) l'éducation, les infrastructures (voies de liaison sud et nord), le développement économique (reconversion de l'ancienne base militaire de Romanet, développement de la zone industrielle nord) et les équipements sportifs (stade de Beaublanc et centre aquatique, dont les travaux étaient toujours en cours en 2013).

À plusieurs reprises, Alain Rodet fait pourtant part publiquement de son optimisme et de sa confiance en l'avenir de sa ville, réfutant par la même occasion les critiques souvent émises à l'égard de l'image de Limoges. Ainsi, en novembre 2006, interviewé par L'Express, il affirme ne pas trouver « dramatique » le déficit d'image à l'échelle nationale, et penser que « la discrétion de Limoges n'est pas un handicap », et que c'est sur « les infrastructures et les projets » qu'il faut se concentrer[6].

La presse régionale comme nationale a à plusieurs reprises mis en évidence l'importance des réseaux divers (milieu socio-culturel, sportif, maçonnique, économique) dans l'exercice du pouvoir municipal d'Alain Rodet[7]. Selon certains détracteurs, le faible crédit de la droite locale pourrait aussi favoriser la puissance du socialisme limougeaud.

Après sa troisième réélection en 2008, Alain Rodet a déclaré qu'« après avoir consacré une décennie à la culture, [la municipalité allait] mettre l'accent sur les infrastructures sportives », faisant allusion aux projets de centre aquatique et de rénovation profonde du parc des sports municipal de Beaublanc, d'ici à 2013[8]. Il envisage une nouvelle candidature aux élections municipales de 2014.

Suite à la diffusion le sur France 3 du documentaire Pièces à conviction remettant en cause, entre autres, la qualité de l'eau de la ville de Limoges, qui serait contaminée par des déchets radioactifs résultant de l'exploitation de l'uranium dans les monts d'Ambazac, Alain Rodet souhaite réfuter cette idée et annonce le dépôt d'une plainte, tout en maintenant que les relevés et analyses régulièrement effectués n'avaient jamais révélé d'anomalies. Invité de l'émission La voix est libre sur France 3 Limousin Poitou-Charentes, le député-maire déclare : « S'agissant [...] de l'eau du robinet, [...] il n'y a aucun problème de potabilité, aucun risque ; nous avons aujourd'hui un système [...] qui sur le plan du contrôle est complètement assuré. Tous les jours, il y a des analyses. [...] L'eau de Limoges [...] n'est absolument pas radioactive, je dirais même que par rapport aux normes admises elle l'est dix fois moins, parfois quinze fois moins. »[9]

Le , il confirme sa nouvelle candidature pour les élections municipales de mars 2014[10], où il bénéficiera cette fois-ci du soutien d'EELV dès le premier tour[11], mais pas du PCF dont les militants choisissent majoritairement de constituer une liste du Front de gauche[12].

Établissement public de coopération intercommunale 

Alain Rodet est président depuis sa création le de la Communauté d'agglomération Limoges Métropole. Il avait auparavant dirigé la structure de la Communauté de communes de l'Agglomération de Limoges, entre 2001 et 2002.

Conseil général 

Assemblée nationale 

Son suppléant à l'Assemblée nationale est Gérard Audouze, conseiller régional.

Activités à l'Assemblée 

Alain Rodet est membre de :

  • 3 groupes d'études : Chasse, Défense, Pics pétroliers et gaziers
  • 2 commissions : commission des finances, commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes

Il est président du groupe d'amitié Sri Lanka, et secrétaire des groupes Japon et Corée du Sud.

Autres fonctions 

Alain Rodet a présidé le comité de soutien à Ségolène Royal en Haute-Vienne pour l'élection présidentielle française de 2007[13].

Il préside l'Association des maires et des élus de la Haute-Vienne, ainsi que le réseau de villes Poitiers-Limoges.

Il est par ailleurs membre suppléant du Comité consultatif du secteur financier, nommé par le président de l'Assemblée Nationale[14], depuis le .

Municipales 2014: Limoges ou les limites du "tout socialisme"

Par , publié le

Voilà plus de 100 ans qu'à de rares exceptions près, la préfecture de la Haute-Vienne est dirigée par les socialistes. Et tout laisse à penser qu'Alain Rodet, le maire actuel, sera réélu lors des prochaines municipales. Pourtant, cette absence d'alternance n'a pas que des avantages. 

Municipales 2014: Limoges ou les limites du "tout socialisme"

Limoges n'a quasiment connu que trois maires en 100 ans, tous socialistes. Une situation qui s'explique par la sociologie de la ville, mais qui débouche sur des entorses à la démocratie locale et sur une certaine morosité économique.

DR

Isabelle (*) a 39 ans. Depuis septembre 2013, elle habite dans une agréable résidence HLM entourée d'espaces verts, rue Pierre-Fresnay, à Limoges. "Mon loyer est très raisonnable", reconnaît cette infirmière dont le salaire s'élève à 1800 €. C'est le moins que l'on puisse dire. Pour un 3-pièces de 78 mètres carrés agrémenté d'un balcon, d'une cave et d'un parking, elle est censée payer 440 €, mais, avec les allocations logement, il lui revient seulement à 150 €. 

Ce n'est pas un hasard si la CGT a choisi Limoges pour son congrès fondateur

Divorcée depuis peu, Isabelle a dû chercher à se reloger précipitamment. Elle a trouvé au centre communal d'action sociale une solution rapide -la ville compte 29 % de logements sociaux, les délais d'attente sont réduits- et une écoute attentive. Ses trois enfants déjeunent à la cantine, où chaque repas lui est facturé environ... 1 euro (les tarifs varient selon les ressources des parents). Il en va de même pour les loisirs : la guitare et le tennis pour Thomas, le piano et la danse pour Laura, la gymnastique d'éveil pour Valentine (*). "Honnêtement, je suis très satisfaite", résume Isabelle qui, plus que jamais, est bien décidée à apporter de nouveau sa voix au maire sortant lors des prochaines municipales. Autrement dit, à voter Alain Rodet. Et PS. 

Bienvenue à Limoges. Célèbre pour sa porcelaine, la préfecture de la Haute-Vienne a une autre caractéristique. Les socialistes y détiennent la mairie depuis... 1912, à l'exception d'une courte parenthèse pendant la Seconde guerre mondiale et à la Libération (voir encadré). "Cette permanence tient à des raisons profondes, constantes et culturelles, relève l'historien Pascal Plas (Centre d'Etudes Politique. Université de Limoges). Ici, le mouvement ouvrier a été plus puissant et plus précoce qu'ailleurs. Il est apparu dès les années 1830-1840 et s'est structuré de manière remarquable à la fin du XIXè siècle. Les ouvriers ont créé des coopératives leur permettant d'accéder à des biens de consommation meilleur marché, des mutuelles garantissant une réelle protection sociale et un mouvement syndical fort servant notamment à financer les jours de grève. Ce n'est pas un hasard si la CGT a choisi Limoges pour tenir son congrès fondateur, en 1905." 

Au début du XXè siècle, la classe ouvrière constitue donc sur les bords de la Vienne un monde cohérent et organisé, qui se dote bientôt de journaux (Le Populaire du Centre, notamment). Il ne lui manque que la prise du pouvoir. Ce sera chose faite en 1912, avec Léon Bétoulle, sachant que l'hôtel de ville avait été provisoirement tenu par un radical socialiste, Emile Labussière, entre 1895 et 1906. 

La nouvelle municipalité traduit très vite en actes ses orientations politiques. Eradication des taudis, érection d' "HBM" (habitations à bon marché), comme aux Coutures, édification de nouvelles écoles... C'est la poule et l'oeuf. Les socialistes tiennent la mairie parce qu'une majorité de la population se reconnaît en eux. Et la politique qu'ils mettent en place conforte ce penchant.  

"Les Limougeauds naissent avec un chromosome de gauche"

Encore aujourd'hui, tout y contribue, des logements sociaux aux subventions aux associations, en passant par la tarification des services municipaux (crèches, cantines, clubs de sports...) indexées sur les revenus. "Attention: nous croyons à la solidarité, mais pas à l'assistance", souligne Laurent Debrach, l'adjoint (PS, évidemment) à la politique de la ville. Les jeunes un peu paumés qui viennent chercher une aide financière au centre communal d'action sociale se voient ainsi proposer... un travail et une visite médicale. D'autres actions innovantes sont mises en place, comme la scolarisation dès deux ans des bambins non francophones, afin de combler au plus tôt les retards de langage chez ces enfants issus de l'immigration. Un critère déterminant pour leur réussite future. 

En un mot comme en cent, les personnes d'origine modeste ont toutes les raisons de se montrer satisfaites de l'attention que leur porte la mairie. Et elles sont nombreuses dans cette ville où les revenus sont nettement inférieurs à la moyenne nationale (17 634 € contre 18 749 € pour le revenu médian par unité de consommation, selon l'Insee). "Les Limougeauds naissent avec un chromosome de gauche", se désole l'UMP Camille Geutier, qui siège dans l'opposition depuis... 30 ans. 

Alain Rodet ? Derrière un physique passe partout, un sens aigu des rapports de force.

Ajoutez à cela les qualités propres d'Alain Rodet. Derrière un physique passe-partout, l'homme masque une intelligence redoutable et un sens aigu des rapports de forces qui fait de lui le patron incontesté de Limoges _ et au-delà. Non seulement il tient la ville et l'agglo, mais, au fil des années, il a su placer ses fidèles aux postes-clé. Lorsque son rival interne, Robert Savy, a quitté la présidence du Conseil régional, en 2004, il a réussi à imposer son candidat, Jean-Paul Denanot, contre la volonté du sortant. La même année, c'est son ancienne suppléante à l'Assemblée nationale, Marie-Françoise Pérol-Dumont, qu'il a propulsée à la présidence du conseil général. Il sait aussi couper sans état d'âme les têtes qui dépassent (voir l'affaire Boulestin, page X). Un savoir-faire politique qui se mêle à d'autres qualités: un sens du contact, une présence sur le terrain de tous les instants, une attention particulière envers les personnes âgées, des relais stratégiques dans toutes les associations. Sans oublier une gestion de bon père de famille (la fiscalité locale est très raisonnable) et une modestie non feinte à mille lieues de la gauche caviar, mais en parfaite adéquation avec les valeurs limougeaudes. 

Doit-on s'étonner, dès lors, de voir ici s'enchaîner des règnes interminables ? Depuis 100 ans, seuls... trois édiles ont porté les couleurs socialistes! Léon Bétoulle, de 1912 à 1941, puis de 1947 à 1956; Louis Longequeue, de 1956 à 1990 (34 ans, record en cours), et Alain Rodet, donc, depuis 1990. Il fut même un temps où, pour éloigner le péril communiste, les patrons et une partie de la droite préféraient voter PS ! "J'ai plus de chances de devenir évêque que maire de Limoges", soupire Alain Marsaud. L'ancien député UMP de la Haute-Vienne s'est attaqué sans succès à la citadelle en 1995 et a fini par être été battu aux législatives en 2007. Echaudé, il est devenu depuis député... des Français de l'étranger.  

Les dérives inhérentes aux villes privées d'alternance

Tout cela ne serait pas bien grave si l'on n'observait pas les dérives inhérentes aux villes privées d'alternance. A commencer par une fâcheuse tendance à vouloir tout contrôler. Les exemples, hélas, abondent.  

A première vue, c'est un petit livre qui semble franchement bien anodin. "Emailleurs contemporains" retrace l'épopée récente des artisans d'art locaux. Cet ouvrage, édité par l'association Culture et Patrimoine en Limousin, a pourtant été l'objet d'une mini-tornade politique lors de sa publication, en 2013. Dans un premier temps, la mairie en avait commandé 150 exemplaires. Avant qu'ils ne soient subitement retournés à l'expéditeur. Motif officiel avancé par Alain Rodet ? "L'auteur ne m'avait pas interrogé et se contentait de reprendre des propos critiques publiés dans la presse voilà 20 ans. Je n'allais tout de même pas diffuser un livre dans lequel la parole du maire ne correspond pas à ma pensée actuelle!". Admettons. Le problème est que, lors de l'annulation de la commande, deux autres raisons ont été invoquées devant l'association par l'un des collaborateurs de l'élu. Sa préface, en premier lieu. Sans aspérités sur le fond, celle-ci présente l'effroyable travers d'être signée par Robert Savy... Ensuite, horresco referens, l'ouvrage comprend aussi deux photos... d'Anne-Aymone Giscard d'Estaing, datant des années 1970, quand la première dame de l'époque venait inaugurer la biennale de l'émail. A Limoges, apparemment, on n'apprécie guère les opposants, même retirés de la vie politique!  

On croit rêver. On ne rêve pas. Car il ne s'agit pas d'un incident isolé. Philippe Mallet a pu s'en apercevoir. Ce journaliste de France 3 "couvre" un dossier cher à Alain Rodet _et vital pour l'avenir de la ville : la ligne à grande vitesse (LGV) vers Poitiers. Mais ce fichu journaliste a le malheur d'énoncer de temps en temps à l'antenne quelques vérités qui déplaisent. "Il m'arrive de rappeler que la ligne n'a pas été retenue parmi les projets prioritaires de l'Etat d'ici à 2030. Ou d'indiquer que, si elle finissait par bénéficier d'un coup de pouce de François Hollande, comme l'espèrent les élus locaux -cela ressemblerait un peu au fait du prince de la part d'un homme qui fut longtemps élu de la région." 

"Dans l'Antiquité, vous auriez fini dans la fosse aux lions"

L'insolent ose même donner parfois la parole à des adversaires de la LGV. Scandale ! Protestation de la mairie auprès de la rédaction en chef. Et tribune du groupe socialiste dans le journal municipal. Sur un ton qui rappelle d'autres régimes, celle-ci dénonce "un journaliste de France 3" coupable de "donner un écho systématiquement démesuré aux élucubrations d'opposants ultra-minoritaires". Le titre est à l'avenant: "Les mauvaises langues se noient toujours sous leurs crachats". La société des journalistes de France 3 a fini par se fendre d'un communiqué. 

L'Express a pu mesurer, lui aussi, la conception assez originale de la liberté d'expression en vigueur à l'hôtel de ville. En août 2013, l'hebdomadaire publie un dossier de 12 pages titré "Limoges sous l'Antiquité" -sujet peu sensible, a priori. Las, notre correspondant a l'outrecuidance d'y consacrer un encadré d'un quart de page placé sous le sceau du pluralisme : s'y expriment le directeur de communication de la Ville, mais aussi des spécialistes critiquant la mise en valeur des vestiges romains, trop discrète à leurs yeux. Il l'a payé cher: toutes ses demandes de rendez-vous en mairie ont été refusées depuis lors! Le même directeur de la communication lui a même asséné par courriel : "Dans l'Antiquité, vous auriez fini dans la fosse aux lions". Tant qu'à faire, la mairie a même exigé de l'Express un... droit de réponse -l'un des plus hallucinant que le journal ait jamais reçu- lequel n'a évidemment pas été accordé. 

"Tu devrais prendre ta carte au PS : cela faciliterait les choses"

Les journalistes ne sont pas les seuls concernés. Plusieurs personnes témoignent des " conseils" qu'elles ont reçues, qui pour une demande de subventions, qui pour une promotion: "Tu devrais prendre ta carte au PS: cela faciliterait les choses". Plus grave, certaines ont reçu des menaces lorsqu'elles ont entrepris de se présenter aux élections. Pierre Coinaud, par exemple. Cet ancien chef d'entreprise avait été approché par l'UDF lors des élections régionales de 2004. Il avait préféré y renoncer. "Des clients de la sphère publique" lui ont comprendre que sa société, spécialisée dans le matériel de bureau, pourrait pâtir d'un si funeste engagement. "Tu comprends, j'ai peur qu'on ne puisse plus passer par toi", lui ont-ils dit. Il a reçu le message 5 sur 5. "Je ne voulais pas faire courir de risques à mes salariés", indique-t-il. Ayant aujourd'hui vendu son affaire, il mène cette année une liste centriste. Sans pressions. 

Un autre candidat a connu pareille mésaventure. Stéphane Bobin cherche à présenter une équipe "apolitique" aux municipales : "55 citoyens". Depuis le début de l'équipée, plusieurs de ses colistiers se sont désistés. "Ils me disent: "tu comprends, ma femme travaille au CHU, mon mari au musée, moi au conseil général", résume-t-il. Lui-même aurait été menacé. "Tu te fais des ennemis mortels", m'a lancé un conseiller municipal. J'ai rendu l'incident public sur ma page Facebook. Depuis, cela s'est calmé", indique Bobin. 

Parmi les grandes villes, Limoges termine 32è sur 34 pour la création d'emplois

Ces entorses à la démocratie locale constituent un sérieux souci. Il en est d'autres. La ville souffre aussi d'une certaine apathie économique. Est-ce un hasard si, parmi les 34 territoires comprenant une commune de plus 100 000 habitants, Limoges se classe à une piteuse 32è place pour les créations d'emplois (source Insee, période 2008-2011) ? Si l'augmentation du chômage y a été plus forte qu'ailleurs entre 2008 et 2013 (source Insee, encore)? Et si le taux de création d'entreprises y est nettement inférieur à la moyenne (source Insee, toujours)? Confronté à ces indicateurs dérangeants, Alain Rodet ne cherche pas une seconde à argumenter sur le fond. "Je réfute les classements de la presse", balaie-t-il. Le problème est qu'il s'agit ici de statistiques officielles... 

Il est vrai qu'il n'a pas de raisons de s'inquiéter pour sa réélection. Avec 40% d'emplois publics (10 points de plus que la moyenne nationale) et une population en attente de protection, la sociologie locale est hyper-favorable aux socialistes. François Hollande n'a-t-il pas obtenu ici 64,9 % à la présidentielle? Les joies du cumul des mandats -il est maire, mais aussi député, président de Limoges métropole, de l'office HLM et du CHU - ssurent par ailleurs à l'édile un confortable matelas de sécurité à chaque scrutin. A Limoges, plusieurs milliers de personnes ont Alain Rodet comme employeur (7000 à l'hôpital, 3600 à la mairie et à la communauté d'agglomération). Beaucoup d'autres en dépendent pour leur association ou leur logement. Ce ne sont pas quelques vérités désagréables rappelées de temps à autre par la presse nationale qui sont susceptibles de menacer son pouvoir. A Limoges, non seulement il n'y a pas d'alternance, mais il n'y a pas de risque d'alternance. Dès lors, pourquoi se gêner? 

(*) Les prénoms ont été modifiés 

 


En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/region/limoges-ou-les-limites-du-tout-socialisme_1493724.html#cQc7b2M8DFv3E7qL.99

 

Municipales 2014: Limoges ou les limites du "tout socialisme"

Par , publié le

Voilà plus de 100 ans qu'à de rares exceptions près, la préfecture de la Haute-Vienne est dirigée par les socialistes. Et tout laisse à penser qu'Alain Rodet, le maire actuel, sera réélu lors des prochaines municipales. Pourtant, cette absence d'alternance n'a pas que des avantages. 

Municipales 2014: Limoges ou les limites du "tout socialisme"

Limoges n'a quasiment connu que trois maires en 100 ans, tous socialistes. Une situation qui s'explique par la sociologie de la ville, mais qui débouche sur des entorses à la démocratie locale et sur une certaine morosité économique.

DR

Isabelle (*) a 39 ans. Depuis septembre 2013, elle habite dans une agréable résidence HLM entourée d'espaces verts, rue Pierre-Fresnay, à Limoges. "Mon loyer est très raisonnable", reconnaît cette infirmière dont le salaire s'élève à 1800 €. C'est le moins que l'on puisse dire. Pour un 3-pièces de 78 mètres carrés agrémenté d'un balcon, d'une cave et d'un parking, elle est censée payer 440 €, mais, avec les allocations logement, il lui revient seulement à 150 €. 

Ce n'est pas un hasard si la CGT a choisi Limoges pour son congrès fondateur

Divorcée depuis peu, Isabelle a dû chercher à se reloger précipitamment. Elle a trouvé au centre communal d'action sociale une solution rapide -la ville compte 29 % de logements sociaux, les délais d'attente sont réduits- et une écoute attentive. Ses trois enfants déjeunent à la cantine, où chaque repas lui est facturé environ... 1 euro (les tarifs varient selon les ressources des parents). Il en va de même pour les loisirs : la guitare et le tennis pour Thomas, le piano et la danse pour Laura, la gymnastique d'éveil pour Valentine (*). "Honnêtement, je suis très satisfaite", résume Isabelle qui, plus que jamais, est bien décidée à apporter de nouveau sa voix au maire sortant lors des prochaines municipales. Autrement dit, à voter Alain Rodet. Et PS. 

Bienvenue à Limoges. Célèbre pour sa porcelaine, la préfecture de la Haute-Vienne a une autre caractéristique. Les socialistes y détiennent la mairie depuis... 1912, à l'exception d'une courte parenthèse pendant la Seconde guerre mondiale et à la Libération (voir encadré). "Cette permanence tient à des raisons profondes, constantes et culturelles, relève l'historien Pascal Plas (Centre d'Etudes Politique. Université de Limoges). Ici, le mouvement ouvrier a été plus puissant et plus précoce qu'ailleurs. Il est apparu dès les années 1830-1840 et s'est structuré de manière remarquable à la fin du XIXè siècle. Les ouvriers ont créé des coopératives leur permettant d'accéder à des biens de consommation meilleur marché, des mutuelles garantissant une réelle protection sociale et un mouvement syndical fort servant notamment à financer les jours de grève. Ce n'est pas un hasard si la CGT a choisi Limoges pour tenir son congrès fondateur, en 1905." 

Au début du XXè siècle, la classe ouvrière constitue donc sur les bords de la Vienne un monde cohérent et organisé, qui se dote bientôt de journaux (Le Populaire du Centre, notamment). Il ne lui manque que la prise du pouvoir. Ce sera chose faite en 1912, avec Léon Bétoulle, sachant que l'hôtel de ville avait été provisoirement tenu par un radical socialiste, Emile Labussière, entre 1895 et 1906. 

La nouvelle municipalité traduit très vite en actes ses orientations politiques. Eradication des taudis, érection d' "HBM" (habitations à bon marché), comme aux Coutures, édification de nouvelles écoles... C'est la poule et l'oeuf. Les socialistes tiennent la mairie parce qu'une majorité de la population se reconnaît en eux. Et la politique qu'ils mettent en place conforte ce penchant.  

"Les Limougeauds naissent avec un chromosome de gauche"

Encore aujourd'hui, tout y contribue, des logements sociaux aux subventions aux associations, en passant par la tarification des services municipaux (crèches, cantines, clubs de sports...) indexées sur les revenus. "Attention: nous croyons à la solidarité, mais pas à l'assistance", souligne Laurent Debrach, l'adjoint (PS, évidemment) à la politique de la ville. Les jeunes un peu paumés qui viennent chercher une aide financière au centre communal d'action sociale se voient ainsi proposer... un travail et une visite médicale. D'autres actions innovantes sont mises en place, comme la scolarisation dès deux ans des bambins non francophones, afin de combler au plus tôt les retards de langage chez ces enfants issus de l'immigration. Un critère déterminant pour leur réussite future. 

En un mot comme en cent, les personnes d'origine modeste ont toutes les raisons de se montrer satisfaites de l'attention que leur porte la mairie. Et elles sont nombreuses dans cette ville où les revenus sont nettement inférieurs à la moyenne nationale (17 634 € contre 18 749 € pour le revenu médian par unité de consommation, selon l'Insee). "Les Limougeauds naissent avec un chromosome de gauche", se désole l'UMP Camille Geutier, qui siège dans l'opposition depuis... 30 ans. 

Alain Rodet ? Derrière un physique passe partout, un sens aigu des rapports de force.

Ajoutez à cela les qualités propres d'Alain Rodet. Derrière un physique passe-partout, l'homme masque une intelligence redoutable et un sens aigu des rapports de forces qui fait de lui le patron incontesté de Limoges _ et au-delà. Non seulement il tient la ville et l'agglo, mais, au fil des années, il a su placer ses fidèles aux postes-clé. Lorsque son rival interne, Robert Savy, a quitté la présidence du Conseil régional, en 2004, il a réussi à imposer son candidat, Jean-Paul Denanot, contre la volonté du sortant. La même année, c'est son ancienne suppléante à l'Assemblée nationale, Marie-Françoise Pérol-Dumont, qu'il a propulsée à la présidence du conseil général. Il sait aussi couper sans état d'âme les têtes qui dépassent (voir l'affaire Boulestin, page X). Un savoir-faire politique qui se mêle à d'autres qualités: un sens du contact, une présence sur le terrain de tous les instants, une attention particulière envers les personnes âgées, des relais stratégiques dans toutes les associations. Sans oublier une gestion de bon père de famille (la fiscalité locale est très raisonnable) et une modestie non feinte à mille lieues de la gauche caviar, mais en parfaite adéquation avec les valeurs limougeaudes. 

Doit-on s'étonner, dès lors, de voir ici s'enchaîner des règnes interminables ? Depuis 100 ans, seuls... trois édiles ont porté les couleurs socialistes! Léon Bétoulle, de 1912 à 1941, puis de 1947 à 1956; Louis Longequeue, de 1956 à 1990 (34 ans, record en cours), et Alain Rodet, donc, depuis 1990. Il fut même un temps où, pour éloigner le péril communiste, les patrons et une partie de la droite préféraient voter PS ! "J'ai plus de chances de devenir évêque que maire de Limoges", soupire Alain Marsaud. L'ancien député UMP de la Haute-Vienne s'est attaqué sans succès à la citadelle en 1995 et a fini par être été battu aux législatives en 2007. Echaudé, il est devenu depuis député... des Français de l'étranger.  

Les dérives inhérentes aux villes privées d'alternance

Tout cela ne serait pas bien grave si l'on n'observait pas les dérives inhérentes aux villes privées d'alternance. A commencer par une fâcheuse tendance à vouloir tout contrôler. Les exemples, hélas, abondent.  

A première vue, c'est un petit livre qui semble franchement bien anodin. "Emailleurs contemporains" retrace l'épopée récente des artisans d'art locaux. Cet ouvrage, édité par l'association Culture et Patrimoine en Limousin, a pourtant été l'objet d'une mini-tornade politique lors de sa publication, en 2013. Dans un premier temps, la mairie en avait commandé 150 exemplaires. Avant qu'ils ne soient subitement retournés à l'expéditeur. Motif officiel avancé par Alain Rodet ? "L'auteur ne m'avait pas interrogé et se contentait de reprendre des propos critiques publiés dans la presse voilà 20 ans. Je n'allais tout de même pas diffuser un livre dans lequel la parole du maire ne correspond pas à ma pensée actuelle!". Admettons. Le problème est que, lors de l'annulation de la commande, deux autres raisons ont été invoquées devant l'association par l'un des collaborateurs de l'élu. Sa préface, en premier lieu. Sans aspérités sur le fond, celle-ci présente l'effroyable travers d'être signée par Robert Savy... Ensuite, horresco referens, l'ouvrage comprend aussi deux photos... d'Anne-Aymone Giscard d'Estaing, datant des années 1970, quand la première dame de l'époque venait inaugurer la biennale de l'émail. A Limoges, apparemment, on n'apprécie guère les opposants, même retirés de la vie politique!  

On croit rêver. On ne rêve pas. Car il ne s'agit pas d'un incident isolé. Philippe Mallet a pu s'en apercevoir. Ce journaliste de France 3 "couvre" un dossier cher à Alain Rodet _et vital pour l'avenir de la ville : la ligne à grande vitesse (LGV) vers Poitiers. Mais ce fichu journaliste a le malheur d'énoncer de temps en temps à l'antenne quelques vérités qui déplaisent. "Il m'arrive de rappeler que la ligne n'a pas été retenue parmi les projets prioritaires de l'Etat d'ici à 2030. Ou d'indiquer que, si elle finissait par bénéficier d'un coup de pouce de François Hollande, comme l'espèrent les élus locaux -cela ressemblerait un peu au fait du prince de la part d'un homme qui fut longtemps élu de la région." 

"Dans l'Antiquité, vous auriez fini dans la fosse aux lions"

L'insolent ose même donner parfois la parole à des adversaires de la LGV. Scandale ! Protestation de la mairie auprès de la rédaction en chef. Et tribune du groupe socialiste dans le journal municipal. Sur un ton qui rappelle d'autres régimes, celle-ci dénonce "un journaliste de France 3" coupable de "donner un écho systématiquement démesuré aux élucubrations d'opposants ultra-minoritaires". Le titre est à l'avenant: "Les mauvaises langues se noient toujours sous leurs crachats". La société des journalistes de France 3 a fini par se fendre d'un communiqué. 

L'Express a pu mesurer, lui aussi, la conception assez originale de la liberté d'expression en vigueur à l'hôtel de ville. En août 2013, l'hebdomadaire publie un dossier de 12 pages titré "Limoges sous l'Antiquité" -sujet peu sensible, a priori. Las, notre correspondant a l'outrecuidance d'y consacrer un encadré d'un quart de page placé sous le sceau du pluralisme : s'y expriment le directeur de communication de la Ville, mais aussi des spécialistes critiquant la mise en valeur des vestiges romains, trop discrète à leurs yeux. Il l'a payé cher: toutes ses demandes de rendez-vous en mairie ont été refusées depuis lors! Le même directeur de la communication lui a même asséné par courriel : "Dans l'Antiquité, vous auriez fini dans la fosse aux lions". Tant qu'à faire, la mairie a même exigé de l'Express un... droit de réponse -l'un des plus hallucinant que le journal ait jamais reçu- lequel n'a évidemment pas été accordé. 

"Tu devrais prendre ta carte au PS : cela faciliterait les choses"

Les journalistes ne sont pas les seuls concernés. Plusieurs personnes témoignent des " conseils" qu'elles ont reçues, qui pour une demande de subventions, qui pour une promotion: "Tu devrais prendre ta carte au PS: cela faciliterait les choses". Plus grave, certaines ont reçu des menaces lorsqu'elles ont entrepris de se présenter aux élections. Pierre Coinaud, par exemple. Cet ancien chef d'entreprise avait été approché par l'UDF lors des élections régionales de 2004. Il avait préféré y renoncer. "Des clients de la sphère publique" lui ont comprendre que sa société, spécialisée dans le matériel de bureau, pourrait pâtir d'un si funeste engagement. "Tu comprends, j'ai peur qu'on ne puisse plus passer par toi", lui ont-ils dit. Il a reçu le message 5 sur 5. "Je ne voulais pas faire courir de risques à mes salariés", indique-t-il. Ayant aujourd'hui vendu son affaire, il mène cette année une liste centriste. Sans pressions. 

Un autre candidat a connu pareille mésaventure. Stéphane Bobin cherche à présenter une équipe "apolitique" aux municipales : "55 citoyens". Depuis le début de l'équipée, plusieurs de ses colistiers se sont désistés. "Ils me disent: "tu comprends, ma femme travaille au CHU, mon mari au musée, moi au conseil général", résume-t-il. Lui-même aurait été menacé. "Tu te fais des ennemis mortels", m'a lancé un conseiller municipal. J'ai rendu l'incident public sur ma page Facebook. Depuis, cela s'est calmé", indique Bobin. 

Parmi les grandes villes, Limoges termine 32è sur 34 pour la création d'emplois

Ces entorses à la démocratie locale constituent un sérieux souci. Il en est d'autres. La ville souffre aussi d'une certaine apathie économique. Est-ce un hasard si, parmi les 34 territoires comprenant une commune de plus 100 000 habitants, Limoges se classe à une piteuse 32è place pour les créations d'emplois (source Insee, période 2008-2011) ? Si l'augmentation du chômage y a été plus forte qu'ailleurs entre 2008 et 2013 (source Insee, encore)? Et si le taux de création d'entreprises y est nettement inférieur à la moyenne (source Insee, toujours)? Confronté à ces indicateurs dérangeants, Alain Rodet ne cherche pas une seconde à argumenter sur le fond. "Je réfute les classements de la presse", balaie-t-il. Le problème est qu'il s'agit ici de statistiques officielles... 

Il est vrai qu'il n'a pas de raisons de s'inquiéter pour sa réélection. Avec 40% d'emplois publics (10 points de plus que la moyenne nationale) et une population en attente de protection, la sociologie locale est hyper-favorable aux socialistes. François Hollande n'a-t-il pas obtenu ici 64,9 % à la présidentielle? Les joies du cumul des mandats -il est maire, mais aussi député, président de Limoges métropole, de l'office HLM et du CHU - ssurent par ailleurs à l'édile un confortable matelas de sécurité à chaque scrutin. A Limoges, plusieurs milliers de personnes ont Alain Rodet comme employeur (7000 à l'hôpital, 3600 à la mairie et à la communauté d'agglomération). Beaucoup d'autres en dépendent pour leur association ou leur logement. Ce ne sont pas quelques vérités désagréables rappelées de temps à autre par la presse nationale qui sont susceptibles de menacer son pouvoir. A Limoges, non seulement il n'y a pas d'alternance, mais il n'y a pas de risque d'alternance. Dès lors, pourquoi se gêner? 

(*) Les prénoms ont été modifiés 

 


En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/region/limoges-ou-les-limites-du-tout-socialisme_1493724.html#cQc7b2M8DFv3E7qL.99

Municipales 2014: Limoges ou les limites du "tout socialisme"

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Voilà plus de 100 ans qu'à de rares exceptions près, la préfecture de la Haute-Vienne est dirigée par les socialistes. Et tout laisse à penser qu'Alain Rodet, le maire actuel, sera réélu lors des prochaines municipales. Pourtant, cette absence d'alternance n'a pas que des avantages. 

Municipales 2014: Limoges ou les limites du "tout socialisme"

Limoges n'a quasiment connu que trois maires en 100 ans, tous socialistes. Une situation qui s'explique par la sociologie de la ville, mais qui débouche sur des entorses à la démocratie locale et sur une certaine morosité économique.

DR

Isabelle (*) a 39 ans. Depuis septembre 2013, elle habite dans une agréable résidence HLM entourée d'espaces verts, rue Pierre-Fresnay, à Limoges. "Mon loyer est très raisonnable", reconnaît cette infirmière dont le salaire s'élève à 1800 €. C'est le moins que l'on puisse dire. Pour un 3-pièces de 78 mètres carrés agrémenté d'un balcon, d'une cave et d'un parking, elle est censée payer 440 €, mais, avec les allocations logement, il lui revient seulement à 150 €. 

Ce n'est pas un hasard si la CGT a choisi Limoges pour son congrès fondateur

Divorcée depuis peu, Isabelle a dû chercher à se reloger précipitamment. Elle a trouvé au centre communal d'action sociale une solution rapide -la ville compte 29 % de logements sociaux, les délais d'attente sont réduits- et une écoute attentive. Ses trois enfants déjeunent à la cantine, où chaque repas lui est facturé environ... 1 euro (les tarifs varient selon les ressources des parents). Il en va de même pour les loisirs : la guitare et le tennis pour Thomas, le piano et la danse pour Laura, la gymnastique d'éveil pour Valentine (*). "Honnêtement, je suis très satisfaite", résume Isabelle qui, plus que jamais, est bien décidée à apporter de nouveau sa voix au maire sortant lors des prochaines municipales. Autrement dit, à voter Alain Rodet. Et PS. 

Bienvenue à Limoges. Célèbre pour sa porcelaine, la préfecture de la Haute-Vienne a une autre caractéristique. Les socialistes y détiennent la mairie depuis... 1912, à l'exception d'une courte parenthèse pendant la Seconde guerre mondiale et à la Libération (voir encadré). "Cette permanence tient à des raisons profondes, constantes et culturelles, relève l'historien Pascal Plas (Centre d'Etudes Politique. Université de Limoges). Ici, le mouvement ouvrier a été plus puissant et plus précoce qu'ailleurs. Il est apparu dès les années 1830-1840 et s'est structuré de manière remarquable à la fin du XIXè siècle. Les ouvriers ont créé des coopératives leur permettant d'accéder à des biens de consommation meilleur marché, des mutuelles garantissant une réelle protection sociale et un mouvement syndical fort servant notamment à financer les jours de grève. Ce n'est pas un hasard si la CGT a choisi Limoges pour tenir son congrès fondateur, en 1905." 

Au début du XXè siècle, la classe ouvrière constitue donc sur les bords de la Vienne un monde cohérent et organisé, qui se dote bientôt de journaux (Le Populaire du Centre, notamment). Il ne lui manque que la prise du pouvoir. Ce sera chose faite en 1912, avec Léon Bétoulle, sachant que l'hôtel de ville avait été provisoirement tenu par un radical socialiste, Emile Labussière, entre 1895 et 1906. 

La nouvelle municipalité traduit très vite en actes ses orientations politiques. Eradication des taudis, érection d' "HBM" (habitations à bon marché), comme aux Coutures, édification de nouvelles écoles... C'est la poule et l'oeuf. Les socialistes tiennent la mairie parce qu'une majorité de la population se reconnaît en eux. Et la politique qu'ils mettent en place conforte ce penchant.  

"Les Limougeauds naissent avec un chromosome de gauche"

Encore aujourd'hui, tout y contribue, des logements sociaux aux subventions aux associations, en passant par la tarification des services municipaux (crèches, cantines, clubs de sports...) indexées sur les revenus. "Attention: nous croyons à la solidarité, mais pas à l'assistance", souligne Laurent Debrach, l'adjoint (PS, évidemment) à la politique de la ville. Les jeunes un peu paumés qui viennent chercher une aide financière au centre communal d'action sociale se voient ainsi proposer... un travail et une visite médicale. D'autres actions innovantes sont mises en place, comme la scolarisation dès deux ans des bambins non francophones, afin de combler au plus tôt les retards de langage chez ces enfants issus de l'immigration. Un critère déterminant pour leur réussite future. 

En un mot comme en cent, les personnes d'origine modeste ont toutes les raisons de se montrer satisfaites de l'attention que leur porte la mairie. Et elles sont nombreuses dans cette ville où les revenus sont nettement inférieurs à la moyenne nationale (17 634 € contre 18 749 € pour le revenu médian par unité de consommation, selon l'Insee). "Les Limougeauds naissent avec un chromosome de gauche", se désole l'UMP Camille Geutier, qui siège dans l'opposition depuis... 30 ans. 

Alain Rodet ? Derrière un physique passe partout, un sens aigu des rapports de force.

Ajoutez à cela les qualités propres d'Alain Rodet. Derrière un physique passe-partout, l'homme masque une intelligence redoutable et un sens aigu des rapports de forces qui fait de lui le patron incontesté de Limoges _ et au-delà. Non seulement il tient la ville et l'agglo, mais, au fil des années, il a su placer ses fidèles aux postes-clé. Lorsque son rival interne, Robert Savy, a quitté la présidence du Conseil régional, en 2004, il a réussi à imposer son candidat, Jean-Paul Denanot, contre la volonté du sortant. La même année, c'est son ancienne suppléante à l'Assemblée nationale, Marie-Françoise Pérol-Dumont, qu'il a propulsée à la présidence du conseil général. Il sait aussi couper sans état d'âme les têtes qui dépassent (voir l'affaire Boulestin, page X). Un savoir-faire politique qui se mêle à d'autres qualités: un sens du contact, une présence sur le terrain de tous les instants, une attention particulière envers les personnes âgées, des relais stratégiques dans toutes les associations. Sans oublier une gestion de bon père de famille (la fiscalité locale est très raisonnable) et une modestie non feinte à mille lieues de la gauche caviar, mais en parfaite adéquation avec les valeurs limougeaudes. 

Doit-on s'étonner, dès lors, de voir ici s'enchaîner des règnes interminables ? Depuis 100 ans, seuls... trois édiles ont porté les couleurs socialistes! Léon Bétoulle, de 1912 à 1941, puis de 1947 à 1956; Louis Longequeue, de 1956 à 1990 (34 ans, record en cours), et Alain Rodet, donc, depuis 1990. Il fut même un temps où, pour éloigner le péril communiste, les patrons et une partie de la droite préféraient voter PS ! "J'ai plus de chances de devenir évêque que maire de Limoges", soupire Alain Marsaud. L'ancien député UMP de la Haute-Vienne s'est attaqué sans succès à la citadelle en 1995 et a fini par être été battu aux législatives en 2007. Echaudé, il est devenu depuis député... des Français de l'étranger.  

Les dérives inhérentes aux villes privées d'alternance

Tout cela ne serait pas bien grave si l'on n'observait pas les dérives inhérentes aux villes privées d'alternance. A commencer par une fâcheuse tendance à vouloir tout contrôler. Les exemples, hélas, abondent.  

A première vue, c'est un petit livre qui semble franchement bien anodin. "Emailleurs contemporains" retrace l'épopée récente des artisans d'art locaux. Cet ouvrage, édité par l'association Culture et Patrimoine en Limousin, a pourtant été l'objet d'une mini-tornade politique lors de sa publication, en 2013. Dans un premier temps, la mairie en avait commandé 150 exemplaires. Avant qu'ils ne soient subitement retournés à l'expéditeur. Motif officiel avancé par Alain Rodet ? "L'auteur ne m'avait pas interrogé et se contentait de reprendre des propos critiques publiés dans la presse voilà 20 ans. Je n'allais tout de même pas diffuser un livre dans lequel la parole du maire ne correspond pas à ma pensée actuelle!". Admettons. Le problème est que, lors de l'annulation de la commande, deux autres raisons ont été invoquées devant l'association par l'un des collaborateurs de l'élu. Sa préface, en premier lieu. Sans aspérités sur le fond, celle-ci présente l'effroyable travers d'être signée par Robert Savy... Ensuite, horresco referens, l'ouvrage comprend aussi deux photos... d'Anne-Aymone Giscard d'Estaing, datant des années 1970, quand la première dame de l'époque venait inaugurer la biennale de l'émail. A Limoges, apparemment, on n'apprécie guère les opposants, même retirés de la vie politique!  

On croit rêver. On ne rêve pas. Car il ne s'agit pas d'un incident isolé. Philippe Mallet a pu s'en apercevoir. Ce journaliste de France 3 "couvre" un dossier cher à Alain Rodet _et vital pour l'avenir de la ville : la ligne à grande vitesse (LGV) vers Poitiers. Mais ce fichu journaliste a le malheur d'énoncer de temps en temps à l'antenne quelques vérités qui déplaisent. "Il m'arrive de rappeler que la ligne n'a pas été retenue parmi les projets prioritaires de l'Etat d'ici à 2030. Ou d'indiquer que, si elle finissait par bénéficier d'un coup de pouce de François Hollande, comme l'espèrent les élus locaux -cela ressemblerait un peu au fait du prince de la part d'un homme qui fut longtemps élu de la région." 

"Dans l'Antiquité, vous auriez fini dans la fosse aux lions"

L'insolent ose même donner parfois la parole à des adversaires de la LGV. Scandale ! Protestation de la mairie auprès de la rédaction en chef. Et tribune du groupe socialiste dans le journal municipal. Sur un ton qui rappelle d'autres régimes, celle-ci dénonce "un journaliste de France 3" coupable de "donner un écho systématiquement démesuré aux élucubrations d'opposants ultra-minoritaires". Le titre est à l'avenant: "Les mauvaises langues se noient toujours sous leurs crachats". La société des journalistes de France 3 a fini par se fendre d'un communiqué. 

L'Express a pu mesurer, lui aussi, la conception assez originale de la liberté d'expression en vigueur à l'hôtel de ville. En août 2013, l'hebdomadaire publie un dossier de 12 pages titré "Limoges sous l'Antiquité" -sujet peu sensible, a priori. Las, notre correspondant a l'outrecuidance d'y consacrer un encadré d'un quart de page placé sous le sceau du pluralisme : s'y expriment le directeur de communication de la Ville, mais aussi des spécialistes critiquant la mise en valeur des vestiges romains, trop discrète à leurs yeux. Il l'a payé cher: toutes ses demandes de rendez-vous en mairie ont été refusées depuis lors! Le même directeur de la communication lui a même asséné par courriel : "Dans l'Antiquité, vous auriez fini dans la fosse aux lions". Tant qu'à faire, la mairie a même exigé de l'Express un... droit de réponse -l'un des plus hallucinant que le journal ait jamais reçu- lequel n'a évidemment pas été accordé. 

"Tu devrais prendre ta carte au PS : cela faciliterait les choses"

Les journalistes ne sont pas les seuls concernés. Plusieurs personnes témoignent des " conseils" qu'elles ont reçues, qui pour une demande de subventions, qui pour une promotion: "Tu devrais prendre ta carte au PS: cela faciliterait les choses". Plus grave, certaines ont reçu des menaces lorsqu'elles ont entrepris de se présenter aux élections. Pierre Coinaud, par exemple. Cet ancien chef d'entreprise avait été approché par l'UDF lors des élections régionales de 2004. Il avait préféré y renoncer. "Des clients de la sphère publique" lui ont comprendre que sa société, spécialisée dans le matériel de bureau, pourrait pâtir d'un si funeste engagement. "Tu comprends, j'ai peur qu'on ne puisse plus passer par toi", lui ont-ils dit. Il a reçu le message 5 sur 5. "Je ne voulais pas faire courir de risques à mes salariés", indique-t-il. Ayant aujourd'hui vendu son affaire, il mène cette année une liste centriste. Sans pressions. 

Un autre candidat a connu pareille mésaventure. Stéphane Bobin cherche à présenter une équipe "apolitique" aux municipales : "55 citoyens". Depuis le début de l'équipée, plusieurs de ses colistiers se sont désistés. "Ils me disent: "tu comprends, ma femme travaille au CHU, mon mari au musée, moi au conseil général", résume-t-il. Lui-même aurait été menacé. "Tu te fais des ennemis mortels", m'a lancé un conseiller municipal. J'ai rendu l'incident public sur ma page Facebook. Depuis, cela s'est calmé", indique Bobin. 

Parmi les grandes villes, Limoges termine 32è sur 34 pour la création d'emplois

Ces entorses à la démocratie locale constituent un sérieux souci. Il en est d'autres. La ville souffre aussi d'une certaine apathie économique. Est-ce un hasard si, parmi les 34 territoires comprenant une commune de plus 100 000 habitants, Limoges se classe à une piteuse 32è place pour les créations d'emplois (source Insee, période 2008-2011) ? Si l'augmentation du chômage y a été plus forte qu'ailleurs entre 2008 et 2013 (source Insee, encore)? Et si le taux de création d'entreprises y est nettement inférieur à la moyenne (source Insee, toujours)? Confronté à ces indicateurs dérangeants, Alain Rodet ne cherche pas une seconde à argumenter sur le fond. "Je réfute les classements de la presse", balaie-t-il. Le problème est qu'il s'agit ici de statistiques officielles... 

Il est vrai qu'il n'a pas de raisons de s'inquiéter pour sa réélection. Avec 40% d'emplois publics (10 points de plus que la moyenne nationale) et une population en attente de protection, la sociologie locale est hyper-favorable aux socialistes. François Hollande n'a-t-il pas obtenu ici 64,9 % à la présidentielle? Les joies du cumul des mandats -il est maire, mais aussi député, président de Limoges métropole, de l'office HLM et du CHU - ssurent par ailleurs à l'édile un confortable matelas de sécurité à chaque scrutin. A Limoges, plusieurs milliers de personnes ont Alain Rodet comme employeur (7000 à l'hôpital, 3600 à la mairie et à la communauté d'agglomération). Beaucoup d'autres en dépendent pour leur association ou leur logement. Ce ne sont pas quelques vérités désagréables rappelées de temps à autre par la presse nationale qui sont susceptibles de menacer son pouvoir. A Limoges, non seulement il n'y a pas d'alternance, mais il n'y a pas de risque d'alternance. Dès lors, pourquoi se gêner? 

(*) Les prénoms ont été modifiés 

 


En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/region/limoges-ou-les-limites-du-tout-socialisme_1493724.html#cQc7b2M8DFv3E7qL.99


27/02/2014
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