« Une politique de croque-mort ! »
Si les balais et les pelles s'activent toujours sur le site des fouilles archéologiques de la rue de la Courtine en plein coeur de Limoges, la mine des douze archéologues est sombre. C'est que le temps leur est compté. Le 17 août, ils devront ranger leurs fils à plomb et leurs espoirs de nouvelles découvertes et faire place aux travaux pour la construction du nouveau magasin Eurodif, propriétaire du site.
« Sacrifier l'intérêt général à un intérêt particulier »Et ce, malgré la découverte d'un mausolée considéré comme « exceptionnel » par les cinq experts français et européens qui se sont déplacés pour évaluer l'importance historique de ces découvertes (voir ci-dessous). « Le site sera conservé, rassure Martine Fabioux, chargée du dossier à la DRAC (direction des affaires culturelles). Une dalle va être construite pour recouvrir et préserver le mausolée qui sera accessible aux chercheurs. Nous travaillons actuellement avec les architectes sur les techniques de fondation du magasin pour que cela se fasse dans de bonnes conditions. À la Drac, nous allons veiller à ce que toutes les mesures soient prises pour la conservation de ces vestiges ».
« Cela s'appelle se donner bonne conscience, tranche Michel Toulet, président de l'association Renaissance du Vieux Limoges, pour qui la seule préservation dans les sous-sols du futur magasin est largement insuffisante. C'est une chance historique de développer le tourisme et on va sacrifier l'intérêt général pour un intérêt particulier ! Si encore on parlait de création d'emplois, si l'enjeu économique était majeur mais non ! Limoges est censé être une ville d'art et d'histoire et on enterre les monuments. Est-ce la politique d'une ville d'art et d'histoire ou une politique de croque-mort ? »
Xavier Lhermite, le responsable des fouilles, n'a qu'un mot pour décrire son sentiment : « Éc'uré. J'ai l'impression que les autorités n'ont pas compris l'importance du vestige mis au jour. La solution trouvée est une solution a minima. Limoges aurait pu faire le choix de l'ambition et de l'audacieux. On aurait pu créer sur ce site le centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine que Limoges doit construire en tant que ville d'art et d'histoire, on aurait pu trouver un autre emplacement pour Eurodif. Mais non. Je ne comprends pas. »
« Il s'agit d'une opération privée »« Tout le monde aurait envie de construire quelque chose de magnifique pour le patrimoine, la ville en premier lieu bien sûr, rétorque Sylvie Bourandy, adjointe au maire chargée du Patrimoine historique, archéologique, muséographique et archivistique. Mais il s'agit ici d'une opération privée sur un terrain privé dans laquelle la ville n'est pas partie prenante. C'est la Drac qui gère. La Ville a des ambitions pour son patrimoine mais il faut voir aussi avec les moyens dont elle dispose et penser aux contribuables. Ce que l'on souhaite c'est que rien d'irréversible ne soit engagé. C'est facile d'avoir de l'ambition et des idées quand c'est à un autre de les réaliser mais on ne peut malheureusement pas être des Don Quichotte. »
L'avenir immédiat du mausolée semble bel et bien scellé sous sa future dalle. En attendant qu'elle soit posée, touristes et Limougeauds se pressent autour des grilles du chantier, appareils photos en main, immortalisant les fouilles, à l'instar de Georges, qui vient tous les jours voir progresser les découvertes. « Limoges a encore tellement de mystères, c'est incroyable ! » Des mystères qui le resteront.
Coralie Zarb
coralie.zarb@centrefrance.com